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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

MADAME B.

Dans les pays où l’on fait usage de monnaie, la réduction des salaires ne se fait pas de la manière que je viens de dire. Dans ces pays-là, il n’est pas nécessaire de changer le taux des salaires, parce que le haut prix des vivres en temps de disette a précisément le même effet. Si vous payez à vos ouvriers les mêmes salaires quand les vivres ont doublé de prix, leurs salaires en réalité ont diminué de moitié ; puisqu’ils ne leur procurent que la moitié de ce qu’ils leur procuraient en d’autres temps.

CAROLINE.

Mais c’est une espèce de tromperie faite aux pauvres ouvriers ; car je ne pense pas qu’en économie politique ils soient beaucoup plus savants que moi ; ils ne savent pas qu’un schelling vaut plus dans un temps que dans un autre ; et continuent en temps de disette ou de rareté, de travailler pour les mêmes salaires, parce qu’ils n’en savent pas davantage.

MADAME B.

La connaissance qu’ils n’ont pas ne ferait en ce cas que leur apprendre à supporter patiemment un mal inévitable. Quand le capitaliste voit son capital diminué, il n’a d’autre alternative que de réduire le nombre de ses ouvriers, ou le taux de leurs salaires ; je devrais dire plutôt le taux de la récompense du travail, puisque nominalement les salaires restent les mêmes. Or, n’est-il pas plus équitable de diviser les moyens de subsistance entre tous ceux qui travaillent, que de nourrir les uns avec abondance, tandis que les autres mourraient de faim ?

CAROLINE.

Sans contredit ; mais ne serait-il pas bien, qu’en ce cas, la législature intervint, et obligeât les capitalistes de hausser les salaires en proportion de la hausse du prix des vivres, de manière que les ouvriers eussent toujours leur ration accoutumée ? Il me semble que le taux des salaires devrait se régler sur le prix du pain, qui est la principale subsistance du pauvre, afin qu’ils en eussent toujours la même quantité, quel qu’en fût le prix.

MADAME B.

En d’autres termes, afin que chacun put manger sa ration de