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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

duite, mais à leurs maîtres ; comment donc est-il si sûr que les ouvriers en auront une part plus considérable ?

CAROLINE.

Je suppose que les maîtres, ayant un plus grand capital, seront disposés à en accorder une plus grande portion à leurs ouvriers.

MADAME B.

Je crois que le capitaliste cherchera toujours à faire, sur le travail de ses ouvriers, le plus grand profit qu’il pourra ; et que lorsque son capital croîtra, il préférera d’en augmenter le nombre, plutôt que de hausser leurs salaires. Mais l’emploi d’un plus grand nombre d’ouvriers fait croître la demande du travail ; et il en résulte d’ordinaire, comme vous verrez, une hausse dans les salaires.

Il est probable que le capital des colons croîtra tellement par le travail des ouvriers, que la difficulté ne sera pas d’entretenir les nouveaux venus, mais de trouver de l’emploi pour le nouveau capital. Les possesseurs de ce capital excédant chercheront avec ardeur à se procurer les services des ouvriers ; l’un pour bâtir une hutte, l’autre pour enclore un champ, un troisième pour construire une barque, et ainsi du reste ; car ce surplus ne donne du profit que lorsqu’on l’emploie. Dès-lors la concurrence ne sera plus entre les ouvriers pour obtenir de l’ouvrage, mais entre les maîtres pour obtenir des ouvriers. Cela haussera nécessairement le taux des salaires, et diminuera par conséquent les profits du capitaliste.

CAROLINE.

Oh ! c’est fort clair. Si Jean offre à un homme un schelling par jour pour bâtir sa maison, et que Thomas donne un schelling et demi pour construire sa barque, tandis que Jacques paie deux schellings pour clore son champ, les salaires doivent s’élever à deux schellings par jour : car si Jean et Thomas ne donnaient pas autant que Jacques, celui-ci aurait le monopole des ouvriers.

MADAME B.

Vous voyez donc que c’est le capital additionnel, produit par le travail de ces hommes, qui, en augmentant la demande du travail, fait hausser les salaires. Ainsi toutes les fois que le capital destiné à l’entretien des ouvriers abonde, le capitaliste est forcé de se con-