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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

dans les campagnes, portent leur ouvrage à tricoter attaché autour du corps, afin d’avoir sous la main de quoi remplir tous les petits intervalles que leur laissent leurs occupations domestiques. Si une femme va à la fontaine pour prendre de l’eau, ou au bois pour en rapporter des fagots, elle met son fardeau en équilibre sur sa tête, et ses doigts restent libres pour faire aller ses aiguilles. Mais tout industrieux qu’ils sont, ils ne trouvent pas dans leur pays assez de ressources pour qu’un père puisse pourvoir à l’entretien de tous ses enfants ; il faut donc que quelques-uns d’eux sortent du pays et aillent chercher fortune dans les pays étrangers, qui offrent à l’industrie plus d’emploi. De-là ce nombre de négociants, de gouvernantes, de petits marchands ou de gens de métier, de domestiques suisses que l’on rencontre presque partout. Ces diverses personnes expatriées ne seraient-elles pas plus heureuses, si elles trouvaient les moyens d’exercer leur industrie et de développer leurs talents, sans quitter un pays auquel elles sont si fort attachées, et qu’elles ont tant de raison d’aimer ? Dans l’âge de la force et de l’activité, les hommes peuvent souvent quitter leur patrie et vivre heureux dans une terre étrangère ; mais demandez aux parents prêts à se séparer de leurs enfants au moment où ils atteignent l’âge qui doit réaliser leurs espérances, si ce serait un malheur pour leur pays de pouvoir leur offrir des moyens de fortune et d’activité.

Les Suisses ne peuvent pas suffire à l’entretien d’une armée pour la défense de leur territoire ; ils sont en conséquence obligés de se mettre au service des puissances étrangères, afin de pourvoir à l’entretien d’une partie de leur population, et de se ménager, en temps de danger, une ressource en les rappelant. Ces guerriers ne seraient-ils pas plus heureux de défendre leur propre pays, que de verser leur sang, comme des mercenaires, dans la cause des étrangers ? Nous en avons une preuve remarquable dans l’effet que leurs chansons patriotiques ont sur eux, à ce qu’on assure. Lorsque ces simples airs rappellent à leur pensée leur patrie si chère et si regrettée, ils les poussent à la désertion ou les rendent tout à fait malheureux. Telle est sur eux l’impression de ces airs nationaux, que l’on a cru devoir défendre de les chanter dans les troupes suisses au service des étrangers.

CAROLINE.

Il n’y pas moyen de résister à vos attaques, madame B. ; vous me