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CONTES POPULAIRES

retrouver sur la vente d’une autre ; ainsi, de manière ou d’autre, il se vendra toujours à peu près au même prix.

— Eh bien ! maître Stubbs, si cela doit faire si peu de différence pour ceux qui achètent le blé, cela n’en fera guère plus pour ceux qui le vendent ; vous avez donc tort de vous révolter contre le changement. Mais je crois que vous vous trompez grandement lorsque vous dites que le blé se vendrait à peu près aussi cher. En Amérique, il est très-bon marché, par la seule raison que l’Amérique est un grand pays ayant peu d’habitants qui ont beaucoup de terrains à leur choix ; ils sèment leur blé sur le meilleur sol, qui n’a pas besoin d’engrais, et ils peuvent d’autant mieux le vendre à bon marché, qu’ils sont en trop petit nombre pour le consommer.

— Peu d’habitants en Amérique, John ! voilà ce que c’est que de parler de ce qu’on ne connaît pas. J’ai entendu dire qu’il y avait en Amérique dix fois autant de monde qu’ici, et je crois que, Dieu merci, nous sommes assez nombreux. »

Cette assertion parut embarrasser John au premier moment ; mais, après avoir un peu réfléchi, il répondit :

« Maître Stubbs, l’Amérique est cent fois plus grande que l’Angleterre, par conséquent dix fois le nombre d’habitants de cette dernière est bien peu pour peupler un aussi vaste pays. Je sais que vous avez un atlas ; nous y jetterons un coup-d’œil lorsque nous serons chez vous. »

De retour chez Stubbs, ils furent surpris, en regardant la mappemonde, de voir que l’Amérique était, non pas cent fois, mais plusieurs centaines de fois plus grande que l’Angleterre.

« C’est bien loin d’ici, observa Stubbs ; et il doit être difficile d’amener du blé d’une si grande distance.

— C’est tout au travers de la mer, dit John en montrant l’Océan atlantique, et le fret à bord d’un vaisseau coûte peu. Mais sans parler de l’Amérique, il y a des pays beaucoup plus près de l’Angleterre, où le blé est plus abondant et moins cher que chez nous. Dans la Pologne, par exemple, où le peuple s’est si bien battu tout dernièrement, il y a une surabondance de blé qu’on nous enverrait très-volontiers, si la loi le permettait.

— Oui, reprit Stubbs, pourvu que nous le payions fort cher.

— Mais ce qui est cher pour ceux qui le cultivent à peu de frais, ne l’est pas pour nous qui le cultivons chèrement ; jugez combien