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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

conclure un nouveau marché ; et d’ailleurs je crois que si le commerce du blé devenait libre, il y aurait tant de mécontentement parmi les fermiers, que les propriétaires se verraient obligés de leur faire quelques concessions, même avant l’expiration de leur bail.

— Non, John ; ils ne se presseront jamais de renoncer à leurs profits avant d’y être forcés. Leur ruine serait certaine, car personne ne leur paierait plus de leurs fermes la même rente tant que le commerce du blé serait libre.

— Et si une fois il l’était, reprit John, c’est mon avis que ce serait pour toujours. Une fois que les pauvres sauraient ce que c’est que d’avoir, du pain en abondance et à bon marché, ils ne voudraient plus entendre parler de rareté et de cherté.

— Je vous prie, à quel prix pensez-vous que vous paieriez le blé, si le commerce était libre ? demanda Stubbs : peut-être la moitié de ce qu’il vous coûte maintenant ; mais je ne le crois pas. Le blé, partout où il est cultivé, coûte du terrain et du travail, et j’aimerais bien savoir, en vérité, dans quel pays il se trouve des fermiers qui entendent mieux que nous la culture du blé ; j’ai ouï dire qu’il n’y avait pas de meilleurs fermiers que ceux de la vieille Angleterre.

— Cela se peut ; mais on m’a dit à moi que le blé que nous faisons venir de l’étranger coûtait moins que celui que nous cultivons.

— Alors il est moins bon, car les meilleurs fermiers doivent obtenir les meilleures récoltes, vous ne pouvez pas le nier, John.

— Cependant si les cultivateurs étrangers possédaient un sol meilleur, des terrains plus vastes, s’ils payaient des rentes moins fortes, si leur climat était plus favorable, ils pourraient cultiver leur blé plus avantageusement que nous et à meilleur marché, quoiqu’ils ne fussent pas de si habiles fermiers.

— Supposons que leur blé soit un peu meilleur marché que le nôtre, vous oubliez qu’il y a le fret à payer, et que plus le blé viendra de loin, plus il sera considérable ; puis, les risques sur mer : le vaisseau peut naufrager, et le chargement est perdu ; souvent aussi il arrive au port étant gâté, et quoiqu’il ne soit plus assez bon pour être vendu sur le marché, il faut le payer, car on ne l’amène pas pour rien, et ce qui se perd sur une cargaison doit se