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CONTES POPULAIRES

nous d’acheter à bas prix que d’avoir beaucoup d’ouvrage, car nos salaires de la semaine suffisent à payer autant de marchandises, si elles ne sont pas chères, que nous pourrions en payer avec nos salaires de deux semaines lorsque les marchandises coûteraient le double ; et, je vous le répète depuis plus d’une heure (mais sans pouvoir le faire entrer dans votre tête), que c’est au moyen de machines que l’on produit à bon marché. Lorsque c’est le vent, le feu, l’eau et la vapeur qui travaillent, les marchandises se vendent à des prix modérés, de manière que presque tout le monde peut en acheter. Vous savez que lorsqu’un objet de fabrique baisse de prix, la demande en augmente, et que pour y satisfaire on fabrique plus et toujours plus de cet article, ce qui nécessite un plus grand nombre d’ouvriers, jusqu’à ce qu’enfin il y en ait davantage dans les manufactures qu’avant l’invention des machines ; et quand il y a de l’occupation pour tous et que la vie n’est pas chère, nous avons tout ce que nous pouvons désirer.

— Oh ! je vous prie, demanda Jackson, où avez-vous appris tout cela ? Ce n’est pas vous qui l’avez imaginé.

— Non, mais j’ai toujours cherché à apprendre quelque chose de ceux qui en savent plus que moi, comme par exemple en causant avec le seigneur du village, qui est très-savant. C’est lui qui m’a donné un petit livre intitulé l’Ami des ouvriers. La première fois que je l’ai lu, je ne l’ai pas compris ; mais en me donnant beaucoup de peine, j’ai fini par saisir le sens des explications qu’il contient. C’est là que j’ai appris tout le bien que nous a fait l’invention des machines, et combien c’est être sot et méchant que de vouloir s’y opposer.

— J’aimerais bien voir ce livre, dit Jackson.

— Le voici, répondit Hopkins, en le sortant de sa poche, je vais vous en lire un passage qui parle de la Nouvelle-Zélande, où il n’y avait aucune espèce de machines, pas même un outil. Page 31 : « La principale distinction entre l’habitant d’un pays sauvage et l’habitant d’un pays civilisé, c’est que l’un dissipe ses forces et ses moyens naturels et acquis, et que l’autre les économise et les conserve, et c’est parce que l’homme dans l’état civilisé possède des instruments et des outils perfectionnés qui l’aident et le soulagent dans ses travaux, tandis que l’homme qui habite des régions incultes et peu peuplées ne possède que des outils grossiers et dont