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CONTES POPULAIRES

canismes afin de faire travailler mieux et à meilleur marché que ses voisins. »

Jackson, n’ayant rien à répliquer, se contenta de répéter que si les nouvelles inventions faisaient la fortune des maîtres de fabriques, elles ruinaient les pauvres ouvriers.

« Votre position est cruelle, Jackson, c’est ce qui vous rend sourd à la voix de la vérité ; mais il ne peut pas y avoir beaucoup d’ouvriers dans votre cas, car on ne peut nier que le pays ne soit toujours plus peuplé, et si l’invention des machines obligeait le peuple à émigrer ou à mourir de faim, il me semble que la population aurait diminué.

— Oh ! quant à cela, dit Jackson, la population dépend du nombre de ceux qui naissent, et pour moi, je crois que ce sont les pauvres qui ont le plus d’enfants.

— Rappelez-vous ce que disait Spire à la vieille fileuse ; quoiqu’il naisse beaucoup d’enfants, ils ne seront pas tous élevés s’il n’y a pas de la nourriture et des vêtements pour tous. Or, si un plus grand nombre d’enfants arrivent à l’âge de maturité, vous pouvez en conclure qu’il règne plus d’aisance dans les familles pauvres ; ce n’est donc pas parce qu’il en naît davantage, mais parce qu’il en meurt moins, que la population augmente.

— Parce qu’il en meurt moins ? répéta Jackson en riant ; ne devons-nous pas tous mourir un jour ou l’autre ?

— Mais que le jour vienne plus tôt ou plus tard, cela fait une grande différence, Jackson, et je vous dis qu’on vit plus longtemps à présent qu’autrefois. Beaucoup plus d’enfants atteignent l’âge viril avec une bonne santé : de là vient que leur vieillesse a moins d’infirmités, et que leur existence est prolongée. Il y a cinquante ans, on mourait très-fréquemment à l’âge de quarante ans ; maintenant il est rare qu’on meure avant cinquante-huit ans. Cela fait une différence de dix-huit ans, et vous et moi ne sommes pas fâchés d’avoir la chance de vivre dix-huit ans de plus que nos ancêtres. En remontant à quelques siècles en arrière, vous trouverez que la mortalité était deux fois ce qu’elle est à présent ; c’est parce que nous sommes mieux nourris, plus chaudement vêtus pendant notre enfance, et mieux soignés lorsque nous sommes malades, que nous vivons plus longtemps ; et cette augmentation dans le bien-être de chacun provient de la facilité qu’il y a maintenant dans