Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
L’ÉCONOMIE POLITIQUE.


CAROLINE.

Je comprends très-bien à présent l’avantage de ces lois, c’est la sécurité ; avant qu’elles fussent établies, le fort pouvait enlever au faible tout ce que celui-ci possédait ; les vieillards, les femmes et les enfants, qui n’avaient aucun moyen de défense, étaient exposés à leurs rapines et à leurs violences. Le paresseux, l’imprévoyant, dès qu’il manquait de moyens de subsistance, devenait l’ennemi naturel du prudent et du laborieux. En sorte que, sans ces lois, les hommes qui auraient travaillé avec le plus d’activité auraient été ceux qui auraient dû naturellement devenir victimes de la fainéantise des autres ; en un mot, les frelons auraient dévoré le miel des abeilles.

MADAME B.

Oui, la sécurité est le grand point à obtenir ; c’est la sécurité qui aiguillonne l’industrie, et rend le travail productif ; chaque pas qui mène à ce but, est un pas fait vers la civilisation, vers la richesse, et vers le bonheur général.

CAROLINE.

Tout cela est parfaitement vrai ; cependant il vient tout à coup de s’offrir à moi une objection relative à l’établissement de la propriété foncière, qui me semble avoir beaucoup de gravité. Avant que le sol devint une propriété privée, la terre, dites-vous, était possédée en commun par tous les hommes ; chacun avait le même droit à faire valoir à cet égard. Mais la loi qui établit la propriété du sol l’enlève au genre humain pour la transmettre à un petit nombre d’individus. Ainsi, pour faire quelques riches, elle fait les autres pauvres. Or, quel droit a la loi de déposséder les uns pour enrichir les autres ? Il faut être juste avant d’être généreux.

Cette objection toutefois ne s’étend pas à d’autres propriétés qu’à celle du sol ; rien n’est plus juste que de laisser un homme cueillir les fruits que son travail a fait naître, jouir de la maison qu’il a bâtie, des marchandises qu’il a fabriquées ; mais la terre ne peut pas devenir une propriété particulière sans faire tort aux autres ; car ils se trouvent privés par-là d’un droit qui leur est acquis par la nature.

MADAME B.

Vous voudriez donc assurer à chacun la possession de la richesse