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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

jours tout juste de quoi vivre : c’est comme le bœuf ou le cheval qu’on ne fait travailler qu’avec le fouet, ou bien comme les nègres aux Indes-Occidentales, que les coups seuls font sortir de leur indolence.

— Quelle honte de traiter les hommes comme des bêtes brutes !

— Eh bien ! ma bonne dame Hopkins, c’est le résultat de ces règlements si sages et si prudents que vous admiriez tout-à-l’heure.

— Il n’y a rien là de bien plaisant, maître Stubbs ; il se peut que j’ai eu tort, j’en conviens franchement ; mais je ne puis m’empêcher de croire que dans tout ce que vous venez de nous dire, vous songez plus à votre intérêt qu’à celui des autres.

— Et si mon intérêt et celui des autres marchent de compagnie, quel mal y a-t-il d’y songer un peu ? Chacun pour soi, comme on dit.

— Je ne vous blâmerais pas si vous n’oubliiez l’intérêt des autres lorsqu’il est contraire au vôtre.

— Eh bien ! je vous soutiens que l’abolition de la taxe des pauvres serait un bien pour tous. Savez-vous, John, à combien elle monte ici ? À plus de six millions. Si cette somme énorme était employée à faire travailler le peuple, les pauvres gagneraient par leur travail cet argent qu’on leur distribue comme une aumône, et les plus laborieux en auraient la meilleure part, qui maintenant est celle des fainéants.

— Il y a du vrai dans ce que vous dites, maître Stubbs, reprit John ; mais, bien que cet argent fût divisé différemment, ce serait comme aujourd’hui, il n’y en aurait pas pour tous.

— La taxe des pauvres est la racine du mal, dit Stubbs ; si on coupait l’arbre, sa racine et ses branches, je ne puis prévoir tout le bien qui en résulterait. Supposons qu’une nouvelle loi supprimât la taxe pour ceux qui naîtront à dater de l’époque actuelle ; n’ayant plus cette poire pour la soif, les jeunes gens y penseraient à deux fois avant de se mettre en ménage ; ceux que la taxe aiderait encore étant morts selon le cours de la nature, cet impôt s’éteindrait, parce qu’il ne servirait à rien de le prélever lorsqu’il n’y aurait plus personne pour le recevoir. Les propriétaires s’enrichiraient ; il y aurait de l’ouvrage pour ceux qui en voudraient, et de bons gages ; enfin, nous serions tous heureux.

— Vous aurez beau faire, monsieur Stubbs ; mais les pauvres