Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/337

Cette page a été validée par deux contributeurs.
325
SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

— Je connais aussi le fermier Stubbs, reprit Hopkins ; c’est lui qui possède la plus grande partie de la commune, parce qu’il a acheté la part de plusieurs pauvres gens, qui n’avaient pas les moyens de cultiver le petit morceau qui leur était échu. Eh bien ! il prétend qu’il a été obligé d’y mettre tant de fumier qu’il n’en a plus assez pour sa ferme ; il croit avoir perdu en appauvrissant le terrain qu’il possédait déjà, autant qu’il gagnera avec celui qu’il vient d’acquérir, car, après tout, c’est un terrain qui ne donne que de maigres récoltes, et quand je pense à tout le travail qu’il a fallu pour le rendre ce qu’il est, c’est peu encourageant ; cependant avec le temps il se bonifiera. Tu vois bien, ma chère, que je ne prétends pas qu’il n’y ait aucun avantage à mettre en culture des communaux ou des terrains stériles.

— Tu aurais tort de le faire, John, car tu sais quelle jolie récolte de pommes-de-terre nous donna cette bande de terrain qui borde notre jardin la première année qu’on nous permit de la cultiver.

— Mais as-tu oublié, dame Hopkins, combien tu te plaignis de nos choux cette même année ; et pourquoi en eûmes-nous si peu et furent-ils moins beaux qu’à l’ordinaire ? c’est qu’une partie de l’engrais qui leur était destiné fut employé sur la nouvelle terre ou j’avais planté mes pommes-de-terre : ainsi c’était, comme on dit, voler Pierre pour payer Paul. Cependant ce terrain n’est pas mauvais et il se bonifie chaque jour ; mais, comme je te l’ai déjà dit, notre profit n’est pas si clair, si tu évalues l’engrais que j’y ai dépensé et le travail qu’il m’en a coûté pour le rendre ce qu’il est maintenant.

— Comment fait-on en Amérique pour fumer les terres ? elles doivent en avoir grand besoin, car je ne suppose pas qu’on y ait mis de l’engrais depuis la création ?

— Non, sans doute, mais n’ayant jamais été labourée ni ensemencée, la terre y est encore dans toute sa virginité.

— Il doit en être de même d’une commune qu’on laboure pour la première fois.

— Avec la différence que nos communes et nos landes sont le plus mauvais terrain qui reste après qu’on a choisi tout ce qui pouvait se mettre en culture, tandis que l’Amérique est un vaste pays désert, où vous avez à choisir dans une immense étendue ce qui vous convient le mieux ; on assure que le terrain y est si bon, que