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CONTES POPULAIRES

prirent avantage de leur petit nombre pour demander de plus forts salaires.

— Cependant, reprit la bonne femme, on ne devait plus avoir besoin d’un aussi grand nombre de laboureurs, car il ne devait pas rester beaucoup de propriétaires qui eussent des terres à faire labourer. La peste ne respecte personne ; elle tombe sur le riche aussi bien que sur le pauvre, comme nous le lisons dans l’Écriture sainte.

— Mais, femme, tu ne réfléchis pas que le riche peut payer le médecin et les drogues du pharmacien, ce qui fait qu’il y en a plus que de pauvres qui se rétablissent. Il n’y a pas de doute que beaucoup de riches moururent ; mais lorsqu’ils meurent, leurs richesses ne sont pas ensevelies avec eux, elles restent à leurs parents, à leurs amis : aussi y avait-il encore plusieurs riches propriétaires qui avaient besoin que l’on travaillât pour eux. Le livre dit que le roi qui régnait alors fut fâché lorsqu’il apprit que ses sujets demandaient une augmentation dans les salaires, et que n’ayant point égard à cette demande, il les taxa à ce qu’ils étaient avant que la peste fût venue désoler le pays. Mais le peuple s’étant révolté, le roi se vit obligé de faire ce qu’il désirait.

— Je ne sais pas si c’est à tort, dit madame Hopkins ; mais depuis ce qui nous est arrivé avec la fée, je n’ai plus bonne opinion de ces hausses dans le salaire des ouvriers.

— Cette hausse-là était produite par une cause surnaturelle, comme on dit ; la fée l’avait ordonnée d’un coup de sa baguette, et elle n’eut pas plus de succès que le décret par lequel le roi voulut commander à son peuple de se contenter d’un modique salaire. La nature des choses est plus puissante que les lois d’un roi ou la baguette d’une fée ; puisque le nombre des laboureurs avait été diminué par la peste, il s’ensuivait très-naturellement une augmentation dans le prix de leur travail, sans qu’il en dût résulter aucun inconvénient.

— Ah ! s’écria madame Hopkins, revenant à son sujet favori, les laboureurs pouvaient à cette époque se marier jeunes, car ils devaient gagner assez pour élever de nombreuses familles. »

John en convint, lui faisant observer cependant qu’il n’eût pas fallu pousser cela trop loin, parce que, si tous les jeunes gens d’alors s’étaient mariés et qu’ils eussent eu beaucoup d’enfants, au