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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

sur le nombre des enfants qu’elle avait eus, et qui cependant n’était pas forte en arguments en sa faveur, prit un air câlin, et dit :

« Mais, John, ne connais-tu pas ce proverbe : Plus on est, plus on rit ?

— Et celui-ci, femme, l’as-tu oublié : Moins on est, plus la chère est bonne ? »

John chercha alors à lui expliquer que si les laboureurs n’avaient que des familles peu nombreuses, non-seulement ils auraient peu d’enfants à nourrir et à élever, mais que leurs gages seraient plus considérables, parce que les riches, au lieu d’avoir des ouvriers à choix, en manqueraient. Madame Hopkins objecta que l’état des laboureurs n’en serait pas amélioré, parce qu’ils auraient trop d’ouvrage.

« Oh ! dit John, nous ne sommes pas des esclaves, et nous ne travaillons qu’autant que nous le voulons bien. Si nous étions moins nombreux, nous serions plus recherchés et par conséquent mieux payés, car nous pourrions dire à ceux qui auraient besoin de nous : « Si vous ne me payez pas davantage, j’ai de l’ouvrage ailleurs, et je ne ferai pas le vôtre, » tandis qu’à présent nous ferions du tort à nous seuls en agissant ainsi : il y a tant d’ouvriers sur le pavé, qu’ils sont prêts à travailler pour un très-petit salaire !

— Je ne crois pas, John, que les riches nous permettent jamais de fixer le prix de notre travail ; ils sont plus sages que nous et toujours habiles à faire tourner les choses à leur avantage particulier ; ils voudraient plutôt obtenir une loi qui défendît la hausse des salaires. Comme tu dis, ils ne peuvent nous obliger à travailler ; mais par une loi ils peuvent nous forcer à recevoir un petit salaire si nous travaillons, et nous ne saurions vivre sans travailler.

— Sans doute ; je me rappelle que la dernière fois que j’allai payer le maître d’école, je le trouvai occupé à lire dans un vieux volume ; il m’invita à m’asseoir un moment, et me lut quelques détails curieux concernant les laboureurs. Voici ce que c’était, autant que je puis m’en souvenir. Une épidémie appelée la peste fondit sur l’Angleterre, et plus de la moitié de sa population mourut.

— Pauvres gens ! dit madame Hopkins d’un ton de pitié, c’est affreux ! mais les laboureurs devinrent rares, je pense ?

— Certainement, et le livre raconte que ceux qui survécurent