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CONTES POPULAIRES

— Pour ce qui est du charbon de terre, dit Watson, nous avons trop de bois pour songer à nous en procurer, et l’exploitation d’une mine serait au-dessus de nos moyens. Mais s’il était possible d’établir une manufacture de coton, ce serait d’un grand avantage pour le pays ; il croit en abondance dans l’île, et nous manquons de linge. Je vais consulter les colons afin de savoir s’ils sont d’avis de construire des machines pour filer et pour tisser le coton.»

» Cette innovation parut si utile et si désirable, que chacun des colons s’empressa d’y coopérer ; le charpentier, le serrurier, le charron se mirent à l’ouvrage, et en peu de jours les métiers furent achevés. Un fabricant de grande ville se serait moqué de ces rouages faits à la hâte et si peu perfectionnés ; mais c’était un véritable trésor pour la petite colonie, qui avait beaucoup augmenté en population et en richesse.

« En richesse ! objecta Tom ; il me semble que vous nous avez dit qu’ils ne faisaient aucun usage de l’argent, et par conséquent ne désiraient pas en avoir.

— C’est vrai, reprit le marchand ; mais j’entends par richesse le blé, le bétail et les légumes qu’ils avaient en abondance, de même que des maisons commodes et bien meublées, de jolis bateaux, au moyen desquels ils se procuraient autant de poisson qu’ils pouvaient en consommer. Au bout de quelques années, ce pays n’était pas reconnaissable, et quoique ce fût aux trois géants que les colons dussent cette prospérité toujours croissante, ils n’avaient cependant pas cessé de travailler, soit à leur préparer de l’ouvrage, soit à disposer de celui qui était achevé.

— Et les femmes, dit la petite Betty, lorsqu’elles eurent des étoffes de coton, elles taillèrent et cousurent des robes et des jupons pour leurs petites filles ?

— C’est cela, ma chère enfant ; et les petites filles aidaient leurs mamans à cet ouvrage, car il y avait dans l’île une école où elles apprenaient à coudre, à lire et à écrire. On avait aussi bâti une petite église simplement ornée, où les colons allaient prier Dieu sincèrement et le remercier des bienfaits dont il les avait comblés.

— Mais, demanda Tom, avec quoi les hommes s’habillaient-ils ?

— Une fois la manufacture de coton en activité, reprit le colporteur, il ne fut pas difficile d’en établir une de draps.