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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE

et à le scier. Chacun s’empressa de lui apporter ce qu’il pouvait avoir de meilleur en réserve et dont il croyait que Jobson manquait. L’un vint avec un panier de poisson tout fraîchement péché ; un autre lui offrit la moitié d’un jeune cabri qu’il venait de tuer ; un troisième, des canards sauvages, et ainsi de suite, de manière que la maison de Jobson se trouva aussi bien fournie que le garde-manger d’un grand hôtel. Un des colons se présenta à lui avec une bourse remplie d’argent qu’il avait sauvée du naufrage, et voulut lui payer les services du géant, argent comptant.

« Hélas ! mon bon ami, que ferais-je de votre argent ? Il ne peut m’être ici d’aucun usage. Cependant, comme j’ai de la nourriture pour plusieurs jours, je consens à prendre votre argent ; il pourra m’être utile une fois ou l’autre. »

» La dernière personne qui vint fut une pauvre veuve qui avait perdu son mari peu après le naufrage ; elle aurait eu besoin d’un plancher à sa petite chaumière pour que ses enfants fussent au sec ; mais elle n’avait rien à donner en échange qu’un panier de pommes-de-terre arrachées dans son jardin.

« Je ne prendrai pas vos pommes-de-terre, Marthe, dit Jobson : ainsi, remportez-les.

— Hélas ! je n’ai pas autre chose à vous offrir, vous savez comme je suis pauvre. Jackson m’a promis de couper un arbre pour moi si je puis obtenir les secours du géant, et j’ose croire que le charpentier me prêtera une main secourable pour faire mon plancher.

— Et croyez-vous, Marthe, que je serai le seul à refuser un coup de main à une pauvre voisine ? répliqua Jobson d’un air un peu fâché. Retournez chez vous, bonne femme ; dites à Jackson de couper votre arbre, et comptez sur l’assistance d’Aquafluens. »

» La pauvre femme le remercia les larmes aux yeux, et s’en retourna avec son panier de pommes-de-terre, qui lui parut bien léger, tant elle était joyeuse de rapporter le dîner de ses enfants ?

n Deux hommes vinrent rôder autour de l’habitation de Jobson ; ils auraient volontiers profité des services du géant ; mais, ayant toujours vécu en paresseux, ils n’avaient rien à offrir en échange.

« Vous ferez tout aussi bien de vous en aller, leur dit Jobson ; le géant ne travaille pas pour encourager la paresse.

— Que ferons-nous, alors ? répliqua l’un d’eux ; nous ne pouvons rien donner, puisque nous ne possédons rien.