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CONTES POPULAIRES

» Le jour suivant, Aquafluens ayant achevé de moudre le blé, demanda de l’ouvrage, et tandis que Jobson lui en préparait, il se mit à laver la maison et la nettoya complètement. Il sortit ensuite avec les enfants, les conduisit au bord de l’eau, joua avec eux, leur apprit à nager, et lorsqu’ils revinrent à la maison, frais et dispos, avec un bon appétit, ils se louèrent beaucoup de leur compagnon.

» Pendant ce temps Jobson lui avait trouvé de la besogne. Depuis longtemps il désirait amener de la forêt voisine un arbre que le vent avait déraciné, afin d’en faire un plancher à sa maison, qui devenait humide et malsaine pendant les temps de pluie ; mais il n’avait pu le faire jusqu’alors, manquant de moyens nécessaires pour transporter un fardeau si lourd ou pour le diviser en planches. Maintenant rien de plus aisé ; il établit l’arbre en travers sur les épaules du géant, qui le porta ainsi sans difficulté. Jobson lui enseigna à se servir de la scie, et fut agréablement surpris de son habileté à la manier. Il pensa que s’il pouvait attacher ensemble huit ou dix scies, le géant serait assez fort pour les mettre en activité toutes ensemble, et scierait ainsi huit à dix planches à la fois, la difficulté était de se procurer plusieurs scies. Jobson s’adressa à ses voisins et leur promit de leur fournir des planches en retour du prêt de leur scie.

» La réputation du géant s’était répandue dans l’île, et chacun apporta sa scie afin d’avoir part au produit de son travail.

» Un des colons, qui était charpentier, entreprit l’arrangement des scies en forme de charpente ; d’autres creusèrent une fosse à scier : tout cela prit un peu de temps ; mais lorsque ces apprêts furent terminés, le géant se mit à l’ouvrage, et dans l’espace d’un jour il scia l’arbre entier en belles planches bien lisses. Lorsque Jobson eut payé à ses voisins le prêt de leurs scies, il lui resta assez de planches pour réparer son plancher, faire une porte neuve à sa maison, quelques tablettes et une jolie table.

» Le charpentier lui avait offert de travailler à ces objets moyennant que le géant lui moudrait son blé ; c’était un marché avantageux pour tous deux : aussi furent-ils bientôt d’accord ; et lorsque les colons s’aperçurent combien la petite maison de Jobson était devenue commode et confortable, ils se mirent à couper les arbres de la forêt afin d’en tirer le même parti. Mais il fallut payer Jobson pour le travail d’Aquafluens, qui continuait à transporter le bois