Page:Marcet - L’économie politique en vingt-deux conversations, 1837.pdf/306

Cette page a été validée par deux contributeurs.
294
CONTES POPULAIRES

— Oh ! je vous en prie, dit la petite Betty, récitez-nous un joli conte comme il y en a dans mon livre de fables ; mais pas de morale à la fin, s’il vous plaît, elle est toujours si ennuyeuse !

— Je crains qu’il ne me soit bien difficile de vous satisfaire tous, répliqua le vieux marchand : l’un veut un conte merveilleux, l’autre une histoire vraie, un troisième me demande du bon sens, et cette petite fille ne veut pas de morale. Eh bien ! je ferai de mon mieux pour vous plaire à tous. »

Après avoir un peu toussé pour s’éclaircir la voix, le colporteur commença ainsi :

« Il y avait autrefois, dans un temps qui ne valait pas mieux que celui-ci, un pauvre laboureur chargé d’une nombreuse famille ; il se nommait Jobson, et résolut de s’embarquer sur la mer pour aller chercher fortune ailleurs. Plusieurs de ses voisins, qui se trouvaient dans la même détresse, réalisèrent ce qu’ils possédaient, afin de partir aussi pour les colonies, où on leur dit qu’ils pourraient acheter à très-bon compte de petites fermes. Ils se rendirent tous à Liverpool, où l’on s’embarquait pour… j’ai oublié le nom du lieu où ils voulaient aller ; mais peu importe, car les pauvres diables n’y arrivèrent jamais. Ils étaient en pleine mer depuis quelques semaines, lorsqu’il s’éleva un orage terrible ; le vaisseau lutta plusieurs jours et plusieurs nuits contre les éléments en furie, puis finit par aller se briser sur la côte. Les passagers eurent beaucoup de peine à se sauver ; mais lorsqu’ils se virent sur une terre fertile, ils furent un peu consolés de leur naufrage. C’était une île déserte.

« Tant mieux, dirent-ils ; nous serons les maîtres, et nous pourrions vivre ici aussi heureux que dans une colonie, si seulement nous avions nos outils et quelques vêtements.

— Et quelques marmites et casseroles pour faire la cuisine, » ajoutèrent les femmes.

« Les hommes s’occupèrent alors à examiner le vaisseau naufragé, et ils en tirèrent un beaucoup meilleur parti qu’ils n’avaient espéré. Pour dire les choses en peu de mots, ils eurent de quoi s’établir commodément dans cette île ; en moins d’une année chaque famille posséda sa maisonnette et son petit jardin potager. Les fruits y croissaient en abondance, sans culture, et comme le climat y était très-chaud, les raisins, les figues et la noix de coco y ve-