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SUR L’ÉCONOMIE POLITIQUE


LES SALAIRES.


John Hopkins n’oublia pas la bonne leçon que lui avait donnée la fée ; mais il fut loin d’en tirer tout le parti qu’il aurait dû.

Il sentait qu’il n’avait pas trouvé le remède au mal dont il gémissait ; et, après y avoir de nouveau longtemps réfléchi, et en avoir beaucoup causé avec ses voisins, il vint à penser qu’il fallait en effet laisser le riche vivre à sa manière et satisfaire à son aise toutes ses fantaisies, mais qu’on devait exiger de lui qu’il récompensât plus généreusement les services du pauvre.

« Tout bien considéré, c’est par le travail de nos mains et à la sueur de notre front que sont produites toutes les choses dont il a besoin ; sans nous, qui labourons la terre et qui semons le blé, il n’aurait pas de pain ; il est donc parfaitement juste qu’il nous paie bien. Si nos salaires étaient doublés, nous pourrions vivre aisément, et le riche n’en serait pas plus pauvre ; car une augmentation de salaire n’est rien pour un homme qui vit dans l’opulence, et ce serait un changement très-important pour nous autres pauvres gens. »

Ravi de cette heureuse découverte, John partit pour aller prier la fée de vouloir bien, par un coup de sa baguette, doubler le salaire de tous les ouvriers.

« Es-tu sûr, lui demanda-t-elle, de n’avoir ensuite aucune raison de te repentir de cette requête, si je te l’accorde ?

— Oh ! dit John, je ne puis me tromper cette fois, car j’ai examiné la chose à fond.

— Eh bien ! reprit la fée, nous allons essayer ; mais ce sera seulement pour trois mois ; après ce terme, tu jugeras toi-même si cela doit toujours continuer. »

John retourna chez lui avec l’espoir d’une gracieuse réception de la part de sa femme, et comme il ouvrait la porte, son regard tomba sur elle avec anxiété.

« J’ai de bonnes nouvelles à t’apprendre, John, s’écria-t-elle