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CONTES POPULAIRES

coup de ma baguette ces brillants équipages, ces somptueux habits et ces mets délicats dont l’existence t’afflige ?

— Puisque vous êtes si obligeante, reprit John dans la joie de son cœur, il vaudrait mieux tout d’un temps anéantir toutes les richesses ; car si vous vous borniez à appauvrir mon riche voisin, il aurait recours à ses amis qui viendraient à son aide ; il me semble qu’il ne vous en coûterait pas davantage de rendre la ruine complète. Ainsi donc, je vous en prie, un coup de baguette qui extirpe la racine malfaisante avec tous ses rejetons. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. La bienveillante fée agite sa baguette merveilleuse, et tout à coup le superbe château du seigneur n’offre plus à la vue que l’aspect d’une pauvre cabane couverte de chaume ; les vêtements de ceux qui l’habitent, perdant leurs couleurs délicates et leurs formes élégantes, se transforment en habits simples et grossiers ; la serre chaude se trouve remplie de choux, et la pépinière métamorphosée en un champ de pommes-de-terre. Les brillants équipages disparaissent ; ils sont remplacés par des charrettes et la charrue ; la crinière des fiers coursiers devient rude et velue, leur peau perd son lustre et sa douceur ; en un instant ils sont changés en lourds chevaux de campagne.

John s’épuisait en longs remerciements ; mais la fée l’interrompant, lui dit :

« Reviens me trouver à la fin de la semaine, et attends, pour m’exprimer ta reconnaissance, de pouvoir juger de l’étendue de tes obligations envers moi. »

Charmé de ce que la fée venait de faire pour lui, et pressé de communiquer une si bonne nouvelle à sa famille, John se hâta de rentrer chez lui, en disant à lui-même :

« Je ne serai donc plus offusqué par le contraste qui existe entre le riche et le pauvre ! ce que le riche vient de perdre va tourner à notre profit, et nous verrons maintenant si les choses n’iront pas beaucoup mieux. »

Sa femme cependant ne le reçut pas avec un visage riant, car, ayant voulu mettre sa jolie robe de toile de coton (c’était un dimanche), elle avait été très-contrariée de la trouver changée en une robe de grosse étoffe rousse, et, voulant aussi se servir de la théière de porcelaine qui lui avait été donnée par la femme du seigneur, elle n’en avait plus trouvé qu’une de terre commune. Elle