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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

somme, et où, acquérant quelque valeur, il devient une espèce de richesse.

En d’autres parties de l’Amérique, on brûle l’herbe sur le sol, parce qu’il n’y a point de troupeaux pour la consommer.

CAROLINE.

Cela peut avoir lieu dans des contrées désertes et sans culture : mais dans les pays civilisés, toutes les terres qui donneraient des produits impossibles à vendre seraient bientôt mises par le propriétaire à quelque autre usage.

MADAME B.

J’ai ouï dire que plusieurs vignobles en France ne furent point vendangés il y a quelques années, parce qu’en conséquence d’un décret qui prohibait la sortie des vins, les raisins perdirent si fort de leur valeur, que le prix auquel on les aurait vendus n’aurait pas suffi à payer la dépense de les cueillir. De même, en Angleterre, lorsque toutes les espèces de denrées coloniales étaient exclues du continent de l’Europe, on assure que l’on jeta des cafés à la mer, parce qu’en les mettant à terre ils n’auraient pas suffi à payer les droits. Vous voyez donc que les suites de la guerre, et d’autres circonstances peuvent, en tout pays, détruire, pour un temps, la valeur des marchandises.

CAROLINE.

Combien vous avez déjà étendu mes conceptions sur le sens du mot richesse ! Je sens cependant qu’auparavant toutes ces idées flottaient confusément dans mon esprit. En parlant de richesse, il ne faut pas se borner à la considération de la richesse relative des individus ; il faut étendre ses vues à tout ce qui constitue la richesse en général sans aucun rapport à l’inégalité de leur répartition.

Tout cela est parfaitement clair : personne même au fond ne l’ignore ; il ne faut qu’y réfléchir ; et cependant au premier abord j’étais tout à fait embarrassée à expliquer la nature de la richesse.

MADAME B.

Cette confusion provient de la pratique commune d’estimer la richesse par l’argent, au lieu d’observer qu’elle consiste dans toutes les marchandises utiles ou agréables aux hommes, desquelles l’or et l’argent ne sont qu’une très-petite partie.