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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

générale à la hausse des salaires ; mais ce mauvais effet n’a guère lieu que quand l’augmentation a été soudaine et imprévue ; et il cesse aussitôt que les forts salaires sont établis d’une manière régulière. Vous pouvez presque tenir pour certain, que des hommes mal élevés ne tirent aucun avantage d’une augmentation de revenu qui les sort brusquement de leur train de vie accoutumé. Les bons effets, dont je vous ai entretenue dans une de nos précédentes conversations, comme étant produits par la richesse et la demande de travail croissantes, ne peuvent tourner au profit des classes inférieures, qu’en tant qu’ils opèrent graduellement.

CAROLINE.

Tout ce que vous venez de dire me réconcilie en grande partie avec l’inégale distribution de la richesse ; car quelque grands que soient les biens qu’un homme possède, il est avantageux au pays qu’il désire de les accroître. J’imaginais ci-devant que ce qui s’ajoutait au superflu du riche était pris sur le nécessaire du pauvre ; au contraire je vois que c’est une addition faite au fonds général de la richesse nationale, dont le pauvre profite tout comme le riche.

MADAME B.

Oui ; tout accroissement de richesse doit non-seulement avoir employé des ouvriers à le produire, mais en devra employer d’autres à l’avenir, pour que le propriétaire en obtienne un revenu. Car tout accroissement de capital est l’effet d’une augmentation de produit et la cause d’une nouvelle production future ; ainsi, quelle que puisse être la propriété qu’un homme possède, il doit être encouragé à l’accroître. Je vais vous lire un passage éloquent de la Théorie de la législation de Bentham au sujet du luxe :

« L’attrait du plaisir, la succession des besoins, le désir actif d’ajouter au bien-être, produiront sans cesse, sous le régime de la sûreté, de nouveaux efforts vers de nouvelles acquisitions. Les besoins, les jouissances, ces agents universels de la société, après avoir fait éclore les premières gerbes de blé, élèveront peu à peu les magasins de l’abondance, toujours croissants et jamais remplis. Les désirs s’étendent avec les moyens ; l’horizon s’agrandit, à mesure qu’on avance, et chaque besoin nouveau, également accompagné de sa peine et de son plaisir, devient un nouveau principe d’action ; l’opulence, qui n’est