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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

capital appartient ; ils découvriront très-probablement mieux que qui que ce soit quel est, pour eux, l’emploi le plus avantageux.

CAROLINE.

Quant à leur propre avantage, il n’y a pas de doute ; mais seront-ils aussi vigilants pour les intérêts des pauvres ? Les lois somptuaires me semblent donner un encouragement particulier à la production des objets de première nécessité. Mais leur principal avantage serait de réprimer la dépense du revenu. Et puisqu’il est si désirable que le capital ne soit pas dissipé, il en est sans doute de même du revenu ; ne serait-il pas utile de l’épargner et de le convertir en capital ?

MADAME B.

Vous n’ignorez pas que le capital ne s’est formé que par des épargnes faites sur le revenu ; mais vous savez aussi qu’il doit y avoir une limite à de telles épargnes.

CAROLINE.

Assurément il y a une limite, parce qu’on ne peut pas vivre sans consommer ; mais moins on consomme ou plus on épargne, mieux on fait.

MADAME B.

C’est pousser trop loin le principe : nous accumulons la richesse dans le dessein d’en jouir ; si, par une dépense prudente mais libérale, on cultive les affections sociales, on accroît ou on étend le bonheur des hommes, je ne vois pas de raisons d’empêcher qu’on ne se livre à des sentiments naturels et utiles à développer.

Les deux extrêmes de l’épargne sordide et de la prodigalité sont peut-être également pernicieux ; l’un comme destructif des affections sociales et bienveillantes ; l’autre, comme dissipant les objets de première nécessité, que la nature a destinés à l’entretien et à l’emploi des pauvres.

Mais il y a un autre point de vue sous lequel les lois somptuaires se présentent comme ayant une tendance dangereuse. En diminuant les objets de nos désirs, on court quelque risque de porter coup à l’industrie.

Dites-moi, je vous prie, pourquoi les riches emploient les pauvres ?