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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

privés de plusieurs jouissances dont ils avaient contracté l’habitude, et qui, indépendamment du plaisir, ne pouvaient manquer, d’après nos précédentes observations, d’être un encouragement à l’industrie.

Mais la privation de quelques objets de luxe, sentie par les consommateurs, est le moindre mal produit par de telles gênes ; c’est un mal léger en comparaison des effets qu’en ressentent les classes laborieuses. Les gênes mises au commerce augmentent la difficulté de produire ; par-là même elles diminuent le capital, qui est le fonds sur lequel les pauvres subsistent.

M. Say, qui avait été témoin des pernicieux effets de ce système, s’exprime ainsi à ce sujet : « C’est un bien mauvais calcul que de vouloir obliger la zone tempérée à fournir les produits de la zone torride. Nos terres produisent péniblement, en petite quantité, et en qualité médiocre, des matières sucrées et colorantes, qu’un autre climat donne avec profusion ; mais elles produisent au contraire avec facilité, des fruits, des céréales, que leur poids et leur volume ne permettent pas de tirer de bien loin. Lorsque nous condamnons nos terres à nous donner ce qu’elles produisent avec désavantage, aux dépens de ce qu’elles produisent plus volontiers ; lorsque nous achetons fort cher ce que nous paierions à fort bon marché, si nous le tirions des lieux où il est produit avec avantage, nous devenons nous-mêmes victimes de notre propre folie. Le comble de l’habileté est de tirer le parti le plus avantageux des forces de la nature ; et le comble de la démence est de lutter contre elles ; car c’est employer nos peines à détruire une partie des forces, qu’elle voudrait nous prêter. »

CAROLINE.

La prohibition des marchandises étrangères a donc un effet directement contraire à celui des machines ; elle augmente la quantité de travail au lieu de la diminuer ; et donne des produits inférieurs au lieu de les rendre plus parfaits.

MADAME B.

Et en conséquence la richesse, la prospérité, et les jouissances d’un pays, placé dans de telles circonstances, au lieu d’aller en croissant, diminuent et tombent dans le déclin. Écoutons parler Franklin sur ce sujet des gênes et des prohibitions :