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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

ment plus clair et plus simple que celui par lequel on estime l’arc en argent.

MADAME B.

Pour un sauvage, qui ne connaît pas l’usage de la monnaie, j’en conviens ; mais aujourd’hui je crois que l’on entend mieux quelle est la valeur d’une marchandise, lorsqu’elle est estimée en argent.

CAROLINE.

Mais si l’on pouvait calculer avec précision la quantité de rente, de profits et de salaires, qui a été dépensée pour produire chaque marchandise, ce serait, je crois, la mesure la plus exacte de sa valeur.

MADAME B.

Non, parce qu’il y a d’autres circonstances, comme nous allons bientôt voir, qui affectent la valeur des marchandises. Il serait d’ailleurs impossible de calculer avec quelque exactitude les frais de production d’une marchandise, puisque la rente, les profits et les salaires sont tous sujets à des variations, et qu’on ne peut admettre comme étalon fixe une mesure variable. Si nous voulions mesurer une pièce de toile avec une aune, qui fût plus longue dans une saison que dans une autre, nous ne saurions comment constater la longueur de la pièce. Or la rente varie beaucoup par la situation et par la nature du sol ; les profits, par l’abondance ou la rareté des capitaux ; mais rien ne varie tant que les salaires. Ils diffèrent non-seulement en différents pays, mais dans la même ville, selon la force, l’habileté, le talent de l’ouvrier. Un habile artisan non-seulement fait plus d’ouvrage, mais il le fait mieux, et il veut être payé, non-seulement pour le travail mis à telle ou telle production, mais pour la peine et le temps qu’il a mis à devenir habile ; par cette raison, le salaire d’un ouvrier supérieur est beaucoup plus fort que celui d’un ouvrier ordinaire. Puis donc qu’on ne peut déterminer ni la quantité ni la qualité du travail qu’a coûté une marchandise, par le nombre de jours ou d’heures employés à la produire, le temps n’est pas une mesure de la valeur ; il faut faire entrer en ligne de compte le degré d’habileté et d’attention que l’ouvrage exige ; il faut aussi avoir égard à la nature saine ou malsaine, agréable ou désagréable, aisée ou pénible de chaque occupation ; toutes choses qui influent sur le salaire.