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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

les clameurs, et les persécutions, qui s’élevèrent contre ceux qui recevaient un intérêt pour l’argent prêté, devinrent si violentes que les prêteurs furent obligés d’élever l’intérêt beaucoup au-dessus du taux naturel (auquel il serait resté sans cela) ; parce qu’il fallait compenser l’opprobre, et souvent même le pillage, auxquels ils étaient exposés ; de-là il arriva que l’intérêt ordinaire fut à un taux que nous appellerions une usure exorbitante et scandaleuse. » Et ce que nous appelons une usure exorbitante, et scandaleuse est ainsi nommé en grande partie par l’effet d’un préjugé tout semblable, qui empêche l’intérêt de l’argent de prendre son niveau naturel, comme tout autre profit pécuniaire ; et qui flétrit du nom de crime, et entache d’usure, tout marché dans lequel l’argent est prêté à un plus haut intérêt que le 5 pour cent, quelque grand que soit le risque couru par le prêteur. Pourquoi y aurait-il une limite au terme de ce marché, par lequel on emprunte de l’argent, plutôt qu’à l’emprunt ou au louage de toute autre marchandise ?

CAROLINE.

Une telle liberté illimitée relativement à l’intérêt ne donnerait-elle pas aux capitalistes trop d’encouragement à fournir de l’argent aux jeunes gens prodigues et irréfléchis, et ne leur faciliterait-elle pas de la sorte les moyens de le dissiper ?

MADAME B.

De tels hommes trouvent facilement à emprunter à des usuriers, pourvu qu’ils puissent donner une sûreté pour le paiement, et sans une telle sûreté ils ne trouveraient à emprunter, ni d’un honnête homme, ni d’un usurier ; la seule différence à cet égard est qu’ils sont forcés de payer plus cher cet emprunt, parce que le prêteur veut être payé, non-seulement pour l’emploi de son argent et pour le risque qui y est attaché, mais encore pour l’ignominie et la peine qu’on y a jointes ; il suit de-là que ce prêt ne peut plus être fait par les hommes qui se respectent, et que l’emprunteur tombe dans les mains de ceux, qui, n’ayant point de réputation à perdre, sont probablement plus disposés à profiter de la détresse des hommes dans le besoin, et de l’imprévoyance des jeunes dissipateurs.

Il y a encore un autre moyen, par lequel un homme, qui a quelque propriété, peut tirer un revenu de son capital, sans l’employer