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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

taux commun de l’intérêt est de douze pour cent ; j’ai même ouï dire qu’il n’était point rare de le voir porté à vingt, ou trente pour cent. En Chine l’intérêt est de six pour cent par mois, ou soixante-douze pour cent l’an.

CAROLINE.

Et l’intérêt est-il bas aux États-Unis, où les ouvriers sont rares et les salaires élevés ?

MADAME B.

Non, il n’y est point bas ; à cause des grands profits qu’y donne l’agriculture. Dans un pays qui n’est pas encore pleinement peuplé, où il y a un si grand choix de terres fertiles, qu’à peine en cultive-t-on aucune de qualité inférieure, où par conséquent on paie peu ou point de rente ; le cultivateur peut payer de forts salaires, et toutefois faire de gros profits ; or partout où il y a de grands gains à faire par l’emploi du capital, on obtiendra un fort intérêt pour le prêt d’un capital. Ainsi, quoiqu’aux États-Unis le capital ait crû plus rapidement que nulle part ailleurs ; comme il y a, pour tout accroissement de capital, un emploi immédiat et avantageux dans la culture des terres neuves et fertiles, l’intérêt de l’argent n’y peut pas baisser.

Dans les pays anciens et pleinement peuplés, le bas intérêt de l’argent est presque toujours un signe de prospérité ; car il indique un capital croissant, un taux de profits peu élevé pour ceux qui l’emploient, et de forts salaires pour le pauvre ouvrier.

Il y a toutefois des circonstances, dans lesquelles l’intérêt de l’argent peut baisser indépendamment de l’accroissement du capital. Cela arrive, quand le marché (c’est-à-dire, les moyens de disposer des produits du pays) se trouve tout à coup resserré. Le marché de l’intérieur est alors surchargé, le prix des marchandises tombe au point de laisser très-peu de profits ; et si cet état de choses dure, l’intérêt baisse avec les profits. Il y a aussi des circonstances, qui produisent une hausse dans l’intérêt, sans indiquer aucune diminution de prospérité, et donnent lieu plutôt d’en tirer une conséquence tout opposée. C’est ce qui arrive quand le marché s’étend tout à coup ; et cette extension est souvent l’effet de l’ouverture de quelque nouveau commerce avec des pays étrangers, ou de l’introduction de quelque nouvelle branche d’industrie dans le