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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

bondance des aliments, qui font la vraie force et la vraie richesse d’un royaume. Idoménée a maintenant un peuple innombrable et infatigable dans le travail, qui remplit toute l’étendue de son pays : tout son pays n’est plus qu’une seule ville ; Salente n’en est que le centre. Nous avons transporté de la ville dans la campagne les hommes qui manquaient à la campagne et qui étaient superflus dans la ville. »

Hé bien, dois-je continuer, ou en ai-je lu assez pour vous faire convenir que Mentor a raison ?

MADAME B.

Je persiste dans mon opinion ; car bien qu’il y ait dans ce passage des remarques fort justes, le principe général sur lequel elles y sont fondées, savoir que la ville et la campagne prospèrent aux dépens l’une de l’autre, est, à mon avis, tout à fait faux. Je suis convaincue au contraire que les villes florissantes fécondent les campagnes qui les entourent. Voyez-vous quelque défaut de culture dans le voisinage de Londres ? Ou pourriez-vous me citer aucun pays florissant qui n’abonde pas en villes riches et populeuses ? D’un autre côté, qu’y a-t-il de plus commun que de voir autour des villes déchues, une campagne déserte et mal cultivée ? La pourpre et l’or de Tyr, au temps de la prospérité des Phéniciens, loin de priver la campagne de ses ouvriers, forçaient cette nation à fonder des colonies dans des pays nouveaux, pour y envoyer leur population excédante.

CAROLINE.

C’est remonter bien haut pour donner un exemple.

MADAME B.

Si vous voulez redescendre à des temps plus rapprochés, comparez l’ancien état florissant de la Phénicie, avec sa misère actuelle, que Volney a peinte avec tant de vérité dans ses voyages.

CAROLINE.

Cette misère n’est-elle pas l’effet des révolutions violentes, qui, pendant une suite de siècles, ont ruiné ces malheureuses contrées ; et n’est-elle pas maintenue par la détestable politique de ses dominateurs actuels ? Mais dans l’ordre naturel des choses, lorsque rien ne vient le troubler, n’est-il pas évident que plus il y aura d’ouvriers que le Souverain contraindra, à l’exemple d’Idoménée, de quitter