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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

que la population ait fait assez de progrès pour élever le prix du blé, de manière à rendre profitable ce défrichement.

CAROLINE.

Quand la récolte de ces terres nouvelles arrivera au marché, je suppose que le prix des grains baissera de nouveau ?

MADAME B.

Oui ; ou, ce qui revient au même, les salaires hausseront ; mais cette baisse du prix des grains ne sera pas durable ; car quand de plus fort salaires permettent à l’ouvrier d’élever plus d’enfants, la population croissant avec le temps, devance les progrès du capital, et on voit revenir les mêmes suites d’effets. C’est ainsi que les produits agricoles et la population se devancent tour à tour. Mais indépendamment de la hausse et de la baisse passagères que les défrichements occasionnent dans le prix des grains, chaque portion de terre neuve que l’on met en culture diminue les profits du capital, et élève la rente des terres ainsi que le prix du produit brut ; car plus il devient nécessaire d’avoir recours à des terres de qualité inférieure pour suffire aux besoins d’une population croissante, plus les frais de production croissent. En effet tout quartier de blé, toute livre de pain, soit qu’ils aient été produits à peu de frais sur la meilleure terre, ou à grands frais sur la pire, sont payés au même prix.

CAROLINE.

C’est une chose singulière, quand on y réfléchit, que de deux pains précisément pareils que l’on sert sur table, les frais de productions de l’un aient pu s’élever presqu’au double de ceux de l’autre ; et que l’un ait payé trois deniers sterling de rente, tandis que l’autre n’aura payé qu’un demi-denier.

Le prix du produit brut en général est donc réglé par ce qu’il en coûte pour le produire sur les terrains de la plus mauvaise qualité ou le plus désavantageusement situés ?

MADAME B.

Oui ; pourvu que dans les frais de production vous compreniez les profits du fermier ; car quoique les plus mauvais terrains ne puissent donner aucune rente, il faut toujours qu’ils rapportent