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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

sortis au goût de la plupart des hommes que les manufactures et le commerce ; et qu’en conséquence partout où l’on trouve à des prix modérés une terre fertile à acheter, tout homme qui a acquis un petit capital le place sur la terre, et se retire, s’il le faut, dans des districts écartés ou inhabités, où il vit indépendant et maître de son petit domaine ; c’est ce qui se voit tous les jours aux États-Unis d’Amérique. Toutefois cette préférence ne passe pas certaines limites, voilà pourquoi l’on peut dire que les différents emplois du capital se maintiennent à peu près au même niveau.

CAROLINE.

Que la nature est admirable dans tout ce qu’elle fait ! Plus j’avance dans l’étude de l’économie politique, plus il me semble que les lois destinées à diriger les opérations dont elle s’occupe doivent être généralement nuisibles bien plus qu’utiles.

MADAME B.

Cela peut souvent arriver, mais généralement, c’est trop dire. Toute loi gêne plus ou moins l’ordre naturel des choses ; et cependant je n’hésite pas à dire que le pire système de lois vaut mieux que l’absence de toutes les lois. L’art, disions-nous, est naturel à l’homme ; il est le résultat de la raison et un grand moyen de progrès. Au lieu d’être asservi, comme les brutes, aux impulsions de l’instinct, l’homme est libre de suivre ses penchants ou d’y résister. Mais dès qu’il est en état de société il sent la nécessité de se soumettre à une règle que la nature ne lui a pas imposée ; et sa raison lui fait inventer celle qui lui convient le mieux. Il fait des lois, qui sont ou plus ou moins avantageuses pour lui, selon que ses facultés sont plus ou moins développées ou cultivées. Plusieurs de ces lois lui sont sans doute très-nuisibles ; mais leur ensemble lui est avantageux. Le bien résultant de celle qui a établi le droit de propriété est tel qu’il fait plus que compenser tous les maux produits par le plus mauvais système de gouvernement.

CAROLINE.

Mais ce niveau, cette égalité de profits à laquelle vous dites que tendent naturellement toutes les branches d’industrie, ne peut avoir lieu en Angleterre, puisque l’on convient que les manufactures et le commerce y donnent de plus grands profits que l’agriculture.