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L’ÉCONOMIE POLITIQUE.

crû dans un plus grand rapport que la population. Mais il faut remarquer qu’il y a environ 80 ans que cet auteur donnait ce résultat. Les causes retardatrices qui ont dès-lors agi sur l’industrie dans la plus grande partie de l’Europe, par une continuité de guerres dispendieuses, ont, je le crains, nui essentiellement aux progrès du capital, sans affecter de même ceux de la population ; mais si celle-ci s’est élevée quelquefois au-dessus du niveau des moyens de subsistance, il faut autant en accuser les classes supérieures que l’imprudence du bas peuple.

CAROLINE.

Vous avez en vue, je crois, les encouragements donnés aux mariages précoces des pauvres.

MADAME B.

Oui ; nous avons vu qu’une grande population, qui est l’effet de la quantité supérieure des moyens de subsistance, est le plus précieux des biens dont un pays puisse jouir ; les enfants, élevés dans l’abondance, parviennent à l’âge mûr pleins de santé et de vigueur, capables de devenir des défenseurs de leur patrie, ou de l’enrichir par leur travail. Ceux qui n’ont pas réfléchi sur ce sujet ont souvent confondu la cause avec l’effet, et ont, ainsi que vous, considéré une grande population comme étant, dans tous les cas, une cause de prospérité. En conséquence les plus grands efforts ont été faits, non-seulement par les individus, mais encore par les législatures, pour encourager les mariages précoces et les nombreuses familles, dans la persuasion où l’on était que c’était faire le bonheur et la prospérité des pays.

CAROLINE.

C’est une erreur bien malheureuse. Mais lorsque la population se trouve de nouveau diminuée, le mal est guéri par lui-même ; car le capital, devenant ainsi mieux proportionné aux besoins de la population réduite, les salaires ne peuvent manquer de croître.

MADAME B.

Certainement. Mais souvent, quand la condition des ouvriers s’améliore, soit parce que leur nombre diminue, soit parce que le capital augmente (à l’occasion peut-être de quelque nouvelle in-