« Je me rendis rue Saint-Benoit, où je vis d’une croisée passer le magnifique convoi du fameux et très-heureux, ou fort malheureux Loustaleau. Je dis heureux parce qu’il est débarrassé des peines de la vie, malheureux parce que peut-être si Mme la Mort l’eût consulté il serait encore en vie. »
« Bientôt je vis défiler le funèbre appareil, ce qui me frappa ce fut le deuil. Les quatre coins du drap étaient portés par Honoré Mirabeau, Le Camus, Barnave et Alexandre Lameth. Prudhomme, en pleureuse, marchait immédiatement après le corps. À une petite distance venait le procureur général de la Lanterne ; il était furieux, se cognait le front, pleurait d’un œil et riait de l’autre. Il aurait voulu parler, mais la difficulté de sa prononciation empêchait de l’entendre. On distingua cependant qu’il promettait l’oraison funèbre du défunt, et que modestement il s’attribuait en ce moment la supériorité sur tous les révolutionnaires qui, comme lui, se croient gens de lettres. Le républicain Dusaulchoy suivait ; son œil sombre, ses cheveux noirs et plats lui donnaient un air de tristesse, qui, joint à la décence de son maintien, intéressait en sa faveur. Prudhomme se retournait de temps en temps, et le regardait en soupirant, mais sa fierté républicaine le rendait sourd à ces invitations. Mon Républicain, disait-il, vaut un autre journal. Les prêtres chantaient, Prudhomme, le désolé Prudhomme, beuglait. Le procureur général de la Lanterne délirait, selon son usage. » (Pages 22 et 23.)
L’auteur anonyme a voulu parodier l’oraison funèbre de Camille Desmoulins ; et la fin de son récit est probablement une raillerie à l’adresse des patriotes qui n’ont pas suivi jusqu’à sa dernière demeure le corps de Loustallot.