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avait vu Julien empereur, il s’était regardé à peu près comme perdu, et n’avait plus songé qu’à profiter de l’éloignement pour se soustraire tout à fait au péril dont il supposait sa tête menacée. Il laissa même derrière lui sa famille, et se rendit à petites journées près de Constance. Là, pour n’être pas suspect de complicité dans les derniers événements, il s’attacha à donner à la conduite de Julien une couleur de révolte spontanée.

(22) Cependant les procédés de Julien envers Florence absent ne laissaient percer que des intentions de clémence. On respecta ses biens ainsi que sa famille, qui fut même autorisée à se servir des transports publics pour faciliter son retour en Orient.

Chapitre IX

(1) Les députés porteurs des dépêches de Julien mirent dans leur voyage toute la célérité possible ; mais les hauts fonctionnaires de l’État, chaque fois qu’ils furent en rapport avec eux, leur créaient indirectement obstacles sur obstacles, et ils eurent mille peines à traverser l’Italie et l’Illyrie. Ils parvinrent cependant à passer le Bosphore, et joignirent enfin Constance à Césarée en Cappadoce. C’est une très agréable ville de passage, assise au pied du mont Argée, et dont le nom était autrefois Mazaca.

(2) Là ils eurent audience du prince, qui leur permit de remettre leurs dépêches. Mais en en prenant lecture il eut un emportement d’une violence extraordinaire, regarda les députés d’un air à les faire trembler pour leur vie, et leur ordonna de sortir, sans ajouter un mot, et sans vouloir rien entendre de plus.

(3) Le coup avait porté. Constance était en proie à la perplexité la plus grande. Devait-il marcher contre les Perses, ou employer contre Julien les forces sur lesquelles il pouvait le plus compter ? Il hésita longtemps devant cette alternative, puis Se décida pour le parti le plus sage, et tourna ses pas vers l’Orient.

(4) Il congédia toutefois les députés sans délai, et dépêcha en Gaule Léonas, son questeur, avec une lettre où il signifiait à Julien son désaveu formel de l’innovation politique dont il avait osé prendre l’initiative, et lui conseillait, dans son intérêt comme dans celui de ses adhérents, de se guérir de ces fumées d’ambition, et de se contenter du rang de César.

(5) Pour corroborer l’effet de ces menaces, et se poser en pouvoir qui se sent fort, il nomma Nébride, alors questeur de Julien, son préfet du prétoire, en remplacement de Florence ; donna au notaire Félix la charge de maître des offices, et fit encore d’autres promotions dans le gouvernement des Gaules. Quant à Gumohar, qui succédait à la maîtrise de cavalerie de Lupicin, sa promotion avait précédé toute nouvelle de la révolution opérée.

(6) Julien reçut à Paris Léonas comme un homme dont il honorait le talent, et dont il aimait le caractère. Ce ne fut que le lendemain de son arrivée, et en présence des troupes et du peuple assemblé, que Julien voulut qu’il fit remise de la lettre dont il était porteur. Il la reçut monté sur un tribunal élevé ; afin d’être vu de plus loin, l’ouvrit, et en donne lecture à haute voix. Quand il en vint au passage où Constance désavouait tout ce qui s’était passé, et déclarait que le rang de César devait suffire à Julien, un terrible éclat de voix fit entendre ces paroles :

(7) "Julien est Auguste par le vœu de la province et de l’armée ;