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la lettre, et sa femme convaincue par l’évidence de l’avoir écrite, eurent tous deux la tête tranchée.

(5) Leur mort toutefois ne mit pas fin aux procédures : une foule d’infortunés, innocents ou coupables, subirent la question. Au nombre des premiers figurait Valentin, qui venait de passer du grade d’officier des protecteurs à celui de tribun. Sous prétexte de complicité, il fut à plusieurs reprises appliqué à la torture, qu’il soutint jusqu’au bout, sans faire d’autre aveu que celui d’une ignorance complète de tout ce qui s’était passé. On lui accorda depuis, par forme de dédommagement, le titre de duc d’Illyrie.

(6) Barbation était dur, arrogant, et généralement détesté pour l’hypocrisie avec laquelle il avait trahi Gallus, lorsqu’il servait sous lui comme chef des protecteurs. Ce service lui ayant valu un grade militaire plus élevé, son orgueil s’en était accru ; et ce fut contre Julien qu’alors il dirigea toutes ses manœuvres, ne cessant de glisser, au grand scandale de tous les gens de bien, les propos les plus malveillants dans l’oreille toujours ouverte de Constance.

(7) Il ignorait sans doute la recommandation très sage faite autrefois par Aristote à Callisthène, son disciple et son parent, en l’envoyant près d’Alexandre, de ne parler que le moins possible, et de bien mesurer ses paroles devant l’homme qui pouvait d’un mot donner la vie ou la mort.

(8) Pourquoi s’étonnerait-on de trouver dans l’intelligence humaine, faculté d’essence divine, le discernement des choses bonnes et nuisibles, quand des animaux dépourvus de raison savent, dans l’intérêt de leur sûreté, se forcer eux-mêmes au silence, ainsi qu’il est prouvé par ce fait d’histoire naturelle si connu ?

(9) La chaleur oblige quelquefois les oies sauvages à émigrer d’Orient en Occident : quand leurs bandes sont sur le point de traverser la chaîne du mont Taurus, où les aigles abondent, afin qu’aucun cri ne s’en échappe, et ne trahisse leur arrivée près du repaire d’ennemis si redoutables, les oies se remplissent le bec de pierres, qu’elles laissent choir ensuite dès quelles ont pu d’un vol accéléré franchir ces hauteurs, et continuent ensuite leur voyage en toute sécurité.

Chapitre IV

(1) Pendant qu’à Sirmium on n’était occupé que d’informations judiciaires, la trompette sonnait l’heure des combats en Orient. Le roi de Perse, renforcé par les féroces nations dont il s’était assuré le concours, et brûlant d’étendre sa domination, ramassait de tous côtés des hommes, des armes et des vivres. Les mânes aussi furent évoqués, les devins interrogés ; et lorsque tout fut prêt, le monarque attendit le printemps pour mettre à exécution ses projets d’envahissement.

(2) De vagues rumeurs d’abord, puis des détails trop certains, jetèrent dans les esprits une appréhension immense. Cependant la cabale du palais, gouvernée par les eunuques, ne cessait, comme on dit, de battre le fer ; et Ursicin pour le crédule et pusillanime empereur était devenu en quelque sorte la tête de Méduse. Vainqueur de Silvain, et aussitôt désigné pour défendre l’Orient, comme si lui seul en eût été capable, il rêvait une position plus haute encore.

(3) Voilà ce que sans cesse on répétait au prince, sous