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haut, les genêts verts et l’herbe brûlée. Sur les flancs descendaient les chênes et les grandes fougères : ils s’avançaient jusque dans le Nar, et les plantes altérées s’y penchaient pour boire. Tout dormait dans le silence de midi ; les feuilles n’avaient pas un frémissement. La chaleur pesait lourdement sur le bois et, à travers les branchages, le rayonnement brun de la montagne était insupportable à regarder.

Poupa avait l’air de songer, mais elle ne pensait à rien. Elle pensait à l’insecte qui volait — à l’araignée qui courait ; elle riait quand Strenou la chatouillait ou la léchait trop fort.

Tous les jours elle les passait ainsi, à ne rien faire ; ou bien elle tressait une cage à cigales et leur tendait des pièges. C’était tout ce qu’elle savait. Et qu’avait-elle besoin d’en savoir davantage ? Il y avait le petit pâtre Roufou pour garder les moutons — et la maman Mannia pour garder la maison. Le père Variou était aux champs — il suait près de sa charrue et de ses bœufs, et le grand-père Couprou se lézardait sur son banc, au soleil, près de la maison. Il y avait dix ans qu’il vivait ainsi — il ne se rappelait plus rien — il ne savait plus que manger et dormir.

Car Poupa ne comptait pas — elle mangeait si peu ! Et c’était la favorite de la maison. Variou lui-même la prenait sur ses genoux, quand il rentrait des champs, et il lui passait ses grosses mains calleuses dans les cheveux — et il la faisait sauter.

Heio ! heio ! houp ! houp ! houp ! Alors le vieux Couprou riait de son rire de vieillard, sans comprendre. Une fois on l’avait vu parler à Strenou en lui caressant la tête : mais il lui disait des mots sans suite. Il riait souvent des heures entières, assis au soleil, devant sa maison.