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Et l’air dans cette forêt était pesant et chaud ; et une vapeur chaude s’élevait des feuilles mortes, et l’eau de l’étang était tiède à toucher. Lorsque le soleil brillait dans le ciel, ses rayons ne pouvaient pas traverser le feuillage, mais l’air s’échauffait et les vapeurs de l’étang s’épaississaient encore.

Et lorsque la pluie ruisselait sur la campagne, elle traversait le feuillage touffu, et les gouttes mates tombaient sans bruit, une à une, noires de poussière sur le lit de feuilles mortes.

Le bruit était inconnu dans cette clairière ; nul être vivant ne troublait sa solitude, et dans le crépuscule on distinguait la vieille chouette de pierre posée sur les dalles du tombeau.

Ah ! qu’elle était vieille, cette tombe ! Les gouttes de pluie tombant incessamment du feuillage y avaient creusé des trous, et la vieille statue de pierre couchée sur le tombeau était couverte de moisissures. Les branches mortes, à moitié tombées, restaient accrochées dans les chênes et la pourriture des feuilles s’amoncelait au pied des arbres.

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Voilà ce que je vis lorsque j’étais jeune ; du haut de notre nid, au sommet d’un des vieux arbres touffus, je contemplais cette clairière. Et chaque fois que je la contemplais, une profonde tristesse me saisissait et je plaignais ces feuilles mortes dans l’obscurité et cet étang noirâtre qui ne voyait jamais le ciel bleu.

Puis mon enfance s’écoula, et avec mes frères pigeons, je partis pour les sables brûlants d’Egypte. Mais je n’avais pas oublié ma clairière solitaire et mon vieil étang noir et l’ancien tombeau gris ; et lorsque la tristesse de mon cœur eut besoin de la