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Pensées
(1883-1884)

La littérature contemporaine est profondément triste, plus triste que n’a été aucune période littéraire au monde. Les gens d’aujourd’hui — en France, du moins, et je crois dans tous les pays du monde — sont de grands découragés. On ne sait plus rire à l’heure qu’il est. Je crois que la raison est dans ce que nous vivons trop vite. Nous vivons dix fois plus vite qu’on ne vivait il y a trois cents ans. Langage, mœurs, coutumes, sciences, tout change et disparaît vertigineusement. La vapeur et l’électricité sont des manifestations de cette vitesse épouvantable qui nous emporte sur une pente puissante et nous fait vivre, en quarante ans, une vie septuagénaire. Il y a longtemps qu’on a dit : “Il n’y a plus d’enfants.” Ce n’est pas notre faute, c’est celle de l’humanité qui vieillit. Nous faisons d’eux des