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Ce que Marcel Schwob ne racontait pas à sa chère maman, mais ce qui apparaît très clairement dans ses papiers de jeunesse et dans les contes qu’il recueillera dans Cœur double, c’est l’intérêt très vif qu’il prit à la rencontre de mauvais soldats, de ceux qui partaient en bombe et sautaient le mur. Sur sa route il a coudoyé les trimardeurs ; et les paysages des environs de Vannes resteront dessinés dans son esprit. Lui qui avait été jusqu’à présent un poëte très idéaliste, il compose des pièces réalistes sur les mathurins, les filles, les bouges, les scènes de la chambrée.

Marcel Schwob reparut, à la fin de l’année 86, au lycée Sainte-Barbe comme vétéran. Il se remet à la philosophie avec M. Charpentier ; il fait des mathématiques. Il est très émancipé alors. M. Brunel le complimente sur le style de sa composition, mais il ne la classe pas, comme inconvenante : “tout simplement parce que je n’avais pas fait écrire Mme de Maintenon comme une vieille dévote et que j’avais fait soupçonner qu’elle était la maîtresse de Louis XIV — je m’en console. La prochaine fois, je lui ferai une composition dans ses goûts.” Le vétéran est très bien avec M. Haffeld ; il a enfin un professeur d’histoire possible et intelligent, qui fait bien son cours et avec lequel on peut travailler. Il a le premier prix de composition latine, et il commence à expliquer parfaitement Aristote. Il est premier en philosophie, et M. Charpentier lui a dit que sa dissertation aurait eu 9 à l’Ecole Normale. Il a sa place à la Saint-Charlemagne, en 1887 : “M. Merlet m’a également complimenté samedi matin, pour une longue explication du Criton de Platon : je suis très bien avec lui et je suis sûr de sa recommandation.” Marcel Schwob passe ses vacances à Bagnères-de-Bigorre, d’où il envoie à son frère Maurice un article sur Tolstoï.

L’année 1888 le retrouve, toujours vétéran, préparant l’Ecole Normale et le Concours Général. Il devait échouer au mois de juillet, faute d’un demi-point : chose admirable, il échoua à cause de sa composition française qui fut cotée deux un quart, note donnée par M. de la Coulonche.

Cet échec fut plus vivement ressenti par les siens que par Marcel Schwob lui-même. M. Charpentier le fit inscrire au cours de philosophie de Louis-le-Grand et lui donna une recommandation très chaude pour M. Boutroux, l’admirable philosophe et maître de conférences, qui devait exercer sur son esprit l’influence la plus heureuse et la plus féconde. Marcel Schwob prépare sa licence avec son cher camarade, Georges Guieysse : il devait être reçu, en 1888, le premier des quatorze licenciés sur cent candidats.