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Ainsi, tu crois donc vivre,
Et souffrir, pauvre fou,
Parce qu’appuyé sur un livre,
Médiocre garde-fou,
Tu regardes l’univers, ivre,
Et qu’il ne te semble pas saoul.

Et de là, tu l’injuries,
Tu veux lui cracher au front,
Tu l’abreuves de tes furies,
Tu l’étouffes sous ton affront.

Mais l’univers impassible,
Ne se tourne pas vers toi —
Et prenant le ciel pour cible,
Tu le cribles de ton toit.

Tu voudrais en faire les voiles
Qui cachent la face des Dieux ;
Tu voudrais faire des étoiles
Les yeux bleus des bienheureux.

Les étoiles restent étoiles,
Le ciel reste ciel bleu :
Et c’est en vain que tu dévoiles
Le mystère de Dieu.


Écoute. Il fut un temps où, voulant te charmer,
Je te rajeunissais et te faisais aimer.
Mais ce temps est passé. Sans doute Marguerite
Paraîtrait d’un blond fade ou serait trop petite.
Tu te souviens qu’alors ton âme m’appartint.
L’enfer n’a guère fait que te brunir le teint.