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Mais nous ne savons pas nous rouler dans les herbes,
En nous baisant les seins de morsures acerbes,
D’où jaillit notre sang ;
Et bouche contre bouche, en aspirations pleines,
Nous baiser langue à langue, en mêlant nos haleines,
Rougissant, pâlissant !

Maudits soient ces plaisirs qui mènent aux souffrances,
Aux désirs éperdus des calmes délivrances,
Aux pleurs devant le roi !
Et nous leur préférons la chasteté paisible,
Aux langueurs de l’amour la pudeur invincible,
Sans larmes, sans effroi !

Le Dieu qui nous créa nous rendit bienheureuses.
Nous n’avons pas besoin des voluptés peureuses,
Des pâmantes douleurs !
Dans le calme éternel de la pure innocence,
Nous vivrons, conservant notre blanche décence,
Qui garde des douleurs !

INDRAH

Vous êtes tous les deux d’infâmes sacrilèges ;
Vous nous avez volé nos secrets privilèges,
Vous étant introduits au temple du Soleil.
Aucun dieu n’a commis un outrage pareil.
Sundâri, je ne puis soulager tes souffrances.
Tu dois subir encor l’effroi d’horribles transes,
Mourir dans les torsions de l’épouvantement
Et dans les convulsions de ton enfantement.
Kumâra, tu devras souffrir son agonie,
Et mourir sombre et seul — ta majesté honnie.
Dans ses liens le Destin m’oblige à vous lier.
Mais vous avez créé — je ne puis l’oublier.