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J’ai fondu dans mon sein la montagne et le roc
Et déchiré la terre avec ce puissant soc.
J’ai tracé dans les cieux ma course lumineuse,
Cercle sempiternel, route vertigineuse.
Je darde mes rayons sur les maïs jaunis,
Sur les épis de blé, par gerbes réunis.
Je fais sortir de terre, avec mes chaleurs douces,
Bananes, ananas, oranges, pamplemousses ;
Pour donner la fraîcheur contre mes rayons d’or,
J’ai créé la forêt, où sous l’ombrage on dort.
Et je fonds les ruisseaux en vapeur bienfaisante
Qui pleut sur tous les champs par la chaleur pesante.
Je viens du triste hiver égayer la pâleur
Et dissiper la neige à ma forte chaleur.
Le taureau sous mon œil dans le Gange s’abreuve ;
Et je caresse au bain la vierge dans le fleuve.

Se tournant vers Harah.

Je puis détruire aussi tout ce que j’ai produit,
Et je vais ravager le sol que j’ai séduit.
Les flancs illuminés des volcans que je lave
Tressaillent sous les flots de mes fleuves de lave.
J’éclaire les cités d’un sinistre flambeau,
Recouvrant des nations sous un même tombeau.
Je sais, dans le fracas rugissant de l’orage,
Allumer des éclairs pour éteindre ma rage.
Sous mon souffle je puis dessécher les moissons,
Tarir la source vive où meurent les poissons,
Brûler dans les déserts les longues caravanes
Et flétrir sur leur pied les herbes des savanes ;
Sous ma caresse ardente abattre sur le dos
Bêtes et voyageurs — et leur blanchir les os.

LES DEVAH

O Sûr-Yâh, sur ton char rayonnant de lumière,