Je ne puis écrire une ligne
Sans qu’il y soit trempé de fiel.
Ce jeune lapin gras et digne
A pour petit nom Daniel.
Singeries
Quand je te vois penché, mon mignon, tout en nage,
Sur le croûton de pain qui te sert de joujou,
Je me repens, mon Dieu, d’avoir pris pour un page
Ce qui n’était pourtant qu’un affreux sapajou.
C’est un maki mordant ses dix doigts avec rage,
Ce faune gentillet, taillé comme un bijou,
Un ouistiti grimpant aux barreaux de sa cage,
Un macaque à poil ras, un singe en acajou.
Ton masque enluminé, sillonné de grimaces,
Semble servir d’album à croquis aux limaces
Pour crayonner l’argent de leurs chemins crochus.
Et les casques noircis qui couronnent tes ongles,
Piqués dans tes cheveux brouillés comme des jungles,
Font penser que tu dois avoir les pieds fourchus.
L’ombre visqueuse emplit jusqu’au fond la chambrée,
Des moucherons gluants couvrent la planche à pain.
Deux soldats ronflent sous leur couverte cabrée :
C’est un bleu de tringlot avec son vieux copain.