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Combien je donnerais, ô mon petit dieu Faune,
Dont le rire pétille à la tiédeur du Beaune,
Pour rire avec toi seul, dans la nuit, quand tout dort !

15 Janvier 1888.

Bouts rimés

Je ne suis pas de ceux que le vers fait blêmir !
Qu’on me donne à chanter un fanatique émir,
Un vaisseau ballotté qui sur les vagues tangue,
L’avocat empêtré bredouillant sa harangue,
Le plongeon fugitif, nocturne de l’ondin,
Le rouge charcutier qui brasse son boudin,
Les couples d’amoureux qui cueillent la noisette,
Les mines d’un tendron humant de l’anisette,
Le paisible bourgeois quand il joue au loto,
Le galop d’un cheval arrivant au poteau,
Le cristal d’un étang que le soleil irise,
L’angoisse d’un ministre au moment de la crise,
Un pur-sang qui gémit, tué par l’éparvin,
Le rire épanoui d’un vieux faune sylvain,
Ou Colette au menton empâté de céruse,
Je trouverai toujours quelque nouvelle ruse !

14 Janvier 1888.

Le Paradis perdu

Tombé du paradis qui s’empourprait (34) de roses,
L’homme s’est retourné pour la dernière fois :
À la barrière blanche où frémissait Sa voix
Son doigt, glaive de feu, garde Ses lèvres roses.