Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

antique, parmi les Latins et les Grecs ; il est chez lui dans le xve siècle français ; c’est un philologue surprenant. Il semble avoir été un contemporain de Shakespeare ou de Rabelais. Il sait toutes les langues ; il a agité les systèmes philosophiques les plus divers ; et cependant, il n’a rien d’un pédant, et même d’un critique au sens classique du mot. Il ne vit que pour l’art et la poésie pure. Il aime Whitman comme un autre lui-même ; il est le frère en pensée et en douleur d’un Charles Baudelaire.

Tout cela constitue à Marcel Schwob une physionomie à part, qui le rend comme inclassable.

On voit bien qu’il appartient, par sa génération, à l’époque qui se recueille, non sans tristesse, qui sait trop, qui a trop lu, que la musique énerve et inspire. Le monde de la création lui apparaît comme quelque chose qui se renouvelle perpétuellement, et que nous avons oublié. Car il connaît les sources des livres ; il pense que tout a été dit, que nos inventions ne peuvent être faites que de débris. C’est une situation intellectuelle presque dramatique, et qui amènerait un autre que lui à la stérilité. Savoir, comprendre et bien dire : ce sont presque des antinomies pour qui doit créer. Mais il faut se rappeler que Marcel Schwob appartient à une très vieille race, qu’il est l’aboutissant d’un long passé. Il devait être un alexandrin ; il l’a été. Mais Marcel Schwob fut aussi un sémite aux passions violentes, au tempérament excessif, au génie destructeur. Il lutte contre bien des fantômes. Son esprit est un carrefour ; il a la vision des choses sous l’aspect du moment, une intelligence aux facettes multiples, comme les yeux des insectes.

L’érudition demeure sa discipline. Et quand je