Page:Marcel Schwob - Œuvres complètes. Écrits de jeunesse.djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelque humeur, et parfois dit des paroles dures ou même rudes à ses domestiques. C’était une chose bien opposée à ses dispositions naturelles, mais très excusable dans ces circonstances. Il ne pouvait se faire comprendre. Par suite on lui apportait continuellement des objets qu’il n’avait pas demandés, et ce qu’il désirait réellement, souvent il ne pouvait l’obtenir parce que tous ses efforts pour le nommer étaient inintelligibles. De plus une violente irritation nerveuse le possédait par la rupture de l’équilibre des différentes fonctions. La faiblesse d’un organe lui était rendue plus palpable par la disproportion de la force que conservait l’autre. Mais à la fin cette lutte fut terminée. Son système tout entier était miné, et maintenant se mouvait rapidement et harmonieusement vers la dissolution. Depuis ce moment jusqu’à ce que tout fût fini, pas un mouvement d’impatience, pas une expression d’agacement ne lui échappa.

Je venais le voir maintenant trois fois par jour, et le

Mardi 7 février, y allant à l’heure du dîner, je trouvai ses invités ordinaires assis à table seuls. Kant était au lit. C’était une scène nouvelle dans sa maison. Nos craintes pour la proximité de sa fin en furent accrues. Néanmoins l’ayant vu se remettre si souvent, je ne voulus pas courir le risque de le laisser sans société les jours suivants. Donc à une heure comme d’ordinaire nous nous réunîmes dans la maison, le

Mercredi 8 février. Je lui présentai mes devoirs avec autant de gaieté que possible et j’ordonnai de servir le dîner. Kant était assis à table avec nous et levant une cuillère avec un peu de soupe, il la porta à