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première fois et beaucoup d’autres pour la dernière.

Comme l’hiver de 1802-03 s’approchait, il se plaignit plus que jamais d’une maladie d’estomac qu’aucun médecin n’avait pu soulager ni même expliquer. L’hiver se passa en souffrance : il était las de la vie et attendait l’heure d’en prendre congé. “Je ne peux plus rendre service au monde, disait-il, et je me suis un fardeau à moi-même.” Souvent, j’essayai de l’égayer par la promesse d’excursions que nous pourrions faire ensemble, quand l’été serait revenu. Il y comptait si sérieusement qu’il en avait fait un plan ou classification régulière : I. Promenade ; II. Excursions ; III. Voyages. Et rien ne pouvait égaler l’avis d’impatience qu’il exprimait pour l’arrivée du printemps et de l’été, non point tant pour le plaisir particulier de ces saisons que parce que c’étaient celles des voyages. Il inscrivit cette note sur son carnet : “Les trois mois d’été sont juin, juillet et août” : ce qui signifiait que c’étaient les trois mois où l’on voyage. Dans la conversation il exprimait la force fiévreuse de ses vœux, si anxieusement et si plaintivement, que tous éprouvaient pour lui une puissante sympathie et auraient souhaité d’avoir quelque moyen magique pour accélérer le cours des saisons.

Durant cet hiver, on fit souvent du feu dans sa chambre à coucher. C’était la chambre où il conservait sa petite collection de livres, environ 450 volumes, surtout des exemplaires d’auteur qui lui avaient été offerts. Il peut sembler étrange que Kant, qui avait tant lu, n’eût point de plus grande bibliothèque ; mais il en avait moins besoin que d’autres savants parce que, dans sa jeunesse, il avait été bibliothécaire à la Bibliothèque du Château et que