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tence immédiate, tandis que le présent s’évanouissait dans les ténèbres d’une distance infinie.

Un autre signe de sa déchéance mentale fut la faiblesse que prit maintenant sa faculté de théorie. Il rendait compte de tout par l’électricité. Une singulière mortalité à cette époque s’était abattue sur les chats de Vienne, de Bâle, de Copenhague et autres villes fort écartées les unes des autres. Le chat étant si notoirement un animal électrique, il attribua naturellement cette épidémie à l’électricité. Durant la même période, il se persuada qu’il y avait prédominance d’une configuration spéciale des nuages, ce qui lui parut être une preuve collatérale de son hypothèse électrique. Ses maux de tête, qui très probablement étaient indirectement causés par sa vieillesse, et immédiatement par l’incapacité de réfléchir avec autant d’aise et de netteté que jadis, lui parurent devoir être expliqués par le même principe. C’était là une notion sur laquelle ses amis ne s’empressaient pas trop à le désabuser, parce que la même nature de saison, et par conséquent sans doute la même distribution générale de pouvoir électrique, se trouvant parfois prédominer pendant des cycles complets d’années, l’entrée qu’il allait faire d’un nouveau cycle semblait devoir lui présenter quelque espérance de soulagement. Une illusion qui pouvait promettre l’espérance, c’était ce qu’il y avait de mieux pour remplacer un remède positif et dans ces conditions un homme à qui on aurait retiré cette illusion, “cui demptus per vim mentis gratissimus error” aurait pu s’écrier avec raison ce : “Proh me occidistis amici.

Peut-être que le lecteur supposera que dans l’accusation de l’atmosphère comme cause de déchéance,