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était imminent, il manifestait une anxiété pleine d’agitation, faisait des visites perpétuelles, attendait avec impatience la crise et souvent ne pouvait accomplir son travail habituel par trouble d’esprit. Mais à peine lui avait-on annoncé la mort du malade qu’il retrouvait son calme et prenait un air de ferme tranquillité, presque d’indifférence : la raison en était qu’il considérait la vie en général, et par conséquent cette particulière affection de la vie que nous appelons maladie, comme un état d’oscillation et de changement perpétuel entre quoi et le flottement des sympathies de l’espoir et de la crainte, il y avait un rapport naturel qui les justifiait pour la raison, au lieu que la mort, état permanent qui n’admet ni plus ni moins, qui terminait toute anxiété et pour toujours éteignait les agitations de l’inquiétude, ne lui paraissait point adaptée à un autre état d’âme qu’une disposition de même nature durable et immuable. Cependant, tout cet héroïsme philosophique céda en une occasion. Car bien des gens se souviendront du tumulte de la douleur qu’il manifesta sur la mort de M. Ehrenboth, jeune homme de très belle intelligence et extraordinairement doué pour qui il avait la plus grande affection ; et il arriva naturellement dans une vie aussi longue que la sienne, malgré la prévoyance de la règle qui le menait à choisir ses camarades autant que possible parmi les jeunes gens, qu’il eut à souffrir le deuil de bien des pertes chères impossibles à remplacer.

Revenons maintenant à l’emploi de sa journée. Immédiatement après le dîner, Kant sortait pour prendre de l’exercice, mais alors il n’emmenait jamais de compagnon, d’abord peut-être parce qu’il jugeait bon, après le relâchement de la conver-