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Le principal défaut de ce mémoire sur Kant, ainsi que tous les autres, c’est qu’il rapporte trop peu de choses sur sa conversation et ses opinions. Et peut-être que le lecteur sera disposé à se plaindre que quelques-unes des notes soient trop minutieuses et détaillées, tant qu’elles paraissent manquer de dignité, parfois de sensibilité. En ce qui concerne la première objection, on peut répondre qu’un commérage biographique de cette sorte et une enquête peu scrupuleuse sur la vie privée d’un homme, quelques difficultés qu’un homme d’honneur puisse éprouver à l’écrire, peut être lue sans blâme, et là où le sujet en est un grand homme, parfois avec avantage. Quant à l’autre objection, je ne saurais trop comment excuser M. Wasianski de s’être agenouillé au chevet de son ami mourant pour noter, avec l’exactitude d’un reporter sténographe, la dernière palpitation du pouls de Kant et les luttes de la nature se débattant dans l’agonie, sinon par la supposition que la conception idéalisée qu’il avait de Kant comme d’un homme appartenant à la postérité, semblait en son esprit surpasser et étouffer les restrictions ordinaires de la sensibilité humaine, et que sous cette impression il accomplit par un sens de devoir public ce que sans doute il aurait bien volontiers refusé de faire, s’il se fût abandonné à ses affections privées. Maintenant donc commençons, et supposons que c’est presque toujours Wasianski qui parle.

Mes relations avec le Professeur Kant commencèrent longtemps avant la période à laquelle se rapporte principalement ce petit mémoire. En