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elle pleure Salamine comme mère de Xerxès.

On a voulu expliquer la longue exposition de l’Agamemnon, et on a excusé Eschyle en alléguant que cette exposition est en réalité celle de l’Orestie tout entière. Mais je crois qu’Eschyle n’aurait pas accepté cette interprétation. Il n’aurait pas compris ce que nous entendons par une exposition. Cette manière de composer n’appartient pas à son art tragique. La trilogie dont Agamemnon est le début a son unité parfaite ; mais chacune des tragédies dont elle se compose doit être parfaitement équilibrée dans ses parties. C’est ainsi que chaque fragment d’un cristal que l’on fend suivant ses plans de clivage garde la forme et les rapports géométriques du cristal tout entier. Dans l’Agamemnon l’équilibre est entre l’attente du retour d’Agamemnon et les préparatifs de ses assassins. Cette symétrie est nettement indiquée dès le début du drame, par le veilleur : “Puissé-je avoir le bonheur de toucher avec cette main la main bienveillante du maître de ce palais, à son arrivée. Pour le reste, je me tais : j’ai un grand bœuf qui me pèse sur la langue : mais cette maison, si elle voulait parler, en dirait long”(20). La catastrophe de la mort d’Agamemnon termine la pièce. Je ne fais remarquer que pour mémoire l’admirable disposition de la scène où Cassandre prédit le dénouement. Du vers 1.071 au vers 1.176, l’alternance des répliques de Cassandre et du chœur est parfaite. Au moment de la catastrophe, double cri d’Agamemnon. Le chœur se sépare en deux demi-chœurs qui se répondent par une distichomythie (21). Le discours de Clytemnestre qui correspond aux tirades d’Oreste et d’Athéné dans les Choéphores et dans les Euménides est relevé symétriquement dans