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Sophocle et Euripide, entre la Comédie ancienne, la Comédie moyenne et Ménandre qu’une distinction de couleurs ; nous ne percevons nullement les hauteurs relatives. Les grammairiens latins et grecs favorisent nos erreurs ; ils ont tout jugé en se plaçant au point de vue de l’éducation d’un orateur ; nous partons de là pour tout peser au taux du romantique ou du classique. Ce qui nous frappe, par exemple, dans le théâtre d’Eschyle, c’est la fatalité qui plane sur toutes ses pièces ; et nous jugeons que le théâtre d’Euripide en diffère principalement par le rôle qu’y joue la liberté humaine. Nous distinguons Aristophane de Ménandre parce que les comédies du premier sont politiques et sociales, tandis que celles du second étaient plutôt des peintures de mœurs, de caractères, de travers humains.

Mais, combien de différences nous échappent ! Les grammairiens nous ont enseigné à distinguer les dialectes — mais qui nous enseignera à distinguer l’usage que chaque écrivain faisait de ses mots ? Comment reconnaître si Aristophane a employé en certains endroits des locutions triviales, des expressions populaires, des mots de “l’argot” d’Athènes ? Que dirons-nous des expressions techniques de Polybe et d’Elien, si nous les comparons aux mots de la langue usuelle dont se sert Thucydide pour les mêmes idées ? Où prendre la mesure qui a servi aux critiques Alexandrins pour rejeter des passages entiers dans les poëmes d’Homère ? À moins de contradictions manifestes dans les faits, la langue et l’esprit, dans ces interpolations, nous semblent les mêmes. Dans l’Odyssée une partie de la Nekuya est repoussée par les meilleurs éditeurs ; c’est celle où Odysseus a une sorte de vision qui lui montre,