semblait que nous quittions le ciel pour toujours.
La benne a un mouvement lent et régulier, rythmé par un cliquetis de chaînes ; on se sent tout étonné quand on s’enfonce sous le sol. D’abord, après quelques minutes, on lève la tête, et au bout d’un tuyau noir le morceau rond de ciel gris qu’on y trouve découpé, surprend. Le panier cependant descend toujours, avec une précision méthodique qui vous rend la confiance ; vers le milieu de la course on a le silence profond au-dessus, et au fond du puits un bruit vague semblable au ressac de la mer. Les murs noirs et suintants du puits sont rayés de traits lumineux, allumant les facettes de mica et les tranchants schisteux des roches qui le tapissent ; nous nous regardons sous une clarté pâle qui nous donne un air livide avec nos grands chapeaux, et nos petites chandelles à la main, plantées dans une motte de terre glaise. Puis un sentiment de mélancolie profonde nous envahit : la vie et la civilisation se sont enfuies ; on est dans la gueule de l’inconnu.
Un nouveau choc nous avertit de notre arrivée. Cette fois, nous sommes tout à fait effarés. Des lumières tremblantes se promènent çà et là ; on entend des voix sans apercevoir de visage ; des corps nous frôlent dans l’obscurité, et en étendant les mains, on touche des blouses humides et qu’on sent être encrassées d’eau charbonneuse. Mais les yeux s’habituent vite à la demi-lumière, et bientôt on se trouve avec surprise dans une sorte de carrefour d’où partent des galeries en pente légère, soutenues par des piliers. Cependant un bruit monotone remplit l’air opaque, bruit de cascade ou de torrent : c’est la benne d’épuisement qui fonctionne toujours pour vider les eaux d’infiltration. Ici nous